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pierre damien traverso

pierre damien traverso

lundi, 02 juin 2014 14:40

QUATRE-VINTG-TREIZE

 

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   « Il n'y a pas d'autre lecteur que le lecteur pensif. Celui-là comprendra pourquoi l'auteur de L'Homme qui rit a cru utile de publier ce livre, où est peinte l'ancienne Angleterre, avant le livre où sera peinte l'ancienne France, qui aura pour conclution la Révolution et qui sera intitulé Quatrevingt-treize. »
(Victor Hugo)


       L'Homme qui rit, c'est l'échec de la révolution : annoncée par un monstre terriblement drôle, elle ne peut être que risible. Quatre-vingt-treize, c'est la révolution en marche. Victor Hugo ne représente pas des groupes, pas une classe, il montre des hommes, seuls, qui tentent de s'en sortir dans ce grand désordre, répondant à ce dont ils ont à répondre, s'adaptant aux événements de la façon qui leur semble la plus juste. Il montre des hommes en marche, en recherche, en perdition le plus souvent. Même Danton, Marat et Robespierre sont pris dans l'Histoire, sans savoir de quel côté est le danger, où est l'urgence, que faire.

« ROBESPIERRE : Je veux bien. La question est de savoir où est l'ennemi.

DANTON : J'y consens. Je vous dis qu'il est dehors, Robespierre.

ROBESPIERRE : Danton, je vous dis qu'il est dedans.

DANTON : Robespierre, il est à la frontière.

ROBESPIERRE : Danton, il est en Vendée.

MARAT : Calmez-vous, il est partout ; et vous êtes perdus. »

      J'ai lu Quatre-vingt-treize l'année passée, alors que les rues lyonnaises ne désemplissaient pas de manifestants pour ou contre le mariage pour tous. Je sentais autour de moi un climat extrêmement violent et, pour la première fois, une atmosphère qui frisait la révolte. La rue s'est engagée et certains n'étaient pas loin de passer à l'attaque physique contre l'autre camp. La France était divisée, et violemment, des amis ne s'adressaient plus la parole, des familles se déchiraient autour de la quête de liberté d'une certaine communauté – qui en gênait une autre. Pour certains, il était impensable que les homosexuels fondent une famille, tout comme il a semblé longtemps inimaginable que les noirs ou les femmes puissent voter, ou que les hommes aient un jour tous les mêmes droits. Pourtant, il a bien fallu qu'on imagine que tout cela serait possible, envisageable, pensable, représentable. Et cette libération des imaginations, un jour, libéra des citoyens. Penser l'impossible, pour tenter de le rendre possible. Le monde tel que nous le connaissons a des impossibles. Mais la pensée peut sortir des règles de ce monde, en inventer d'autres.

« CIMOURDAIN : Gauvain, reviens sur la terre. Nous voulons réaliser le possible.

GAUVAIN : Commencez par ne pas le rendre impossible.

CIMOURDAIN : Le possible se réalise toujours.

GAUVAIN : Pas toujours. Si l'on rudoie l'utopie, on la tue. Rien n'est plus sans défense que l'oeuf. »

       

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         Le théâtre nous permet de sortir de l'emprise du réel pour imaginer un autre monde. Comme le jeu, le théâtre invente de nouvelles règles, de nouveaux codes, qui permettent à la pensée d'expérimenter l'impossible. Il ne faudra donc jamais s'installer, toujours réinventer, chaque soir. Jusque là, j'ai toujours fait des mises en scène léchées, bien arrêtées, bien fixées, précises, au centimètre près. Cette année, j'ai dit « merde ». Je tente une création où aucun des rôles n'est fixe, où tout tourne tout le temps. C'est étonnant et amusant : puisque que les comédiens doivent savoir tout le texte et qu'ils peinent à le savoir parfaitement, ils se soutiennent, ils s'entraident, ils se le soufflent. Et on assiste alors à l'émergence d'un véritable groupe. Telle tirade hugolienne, morceau de bravoure du héros, devient cri collectif. C'est troublant de dynamisme. Ils se battent pour parler et s'entraident pour ne rien oublier. On retrouve une urgence, on ne s'installe pas, jamais. On est frustré parce qu'on ne peut pas être parfait. Et c'est justement dans cette imperfection que se trouve la force. C'est bien d'avoir de la force, quand on monte Quatrevingt-treize, de Victor Hugo. C'est bien de prendre des risques lorsqu'on joue à la Révolution. La Révolution, c'est un groupe qui tente de parvenir à fonctionner ensemble, de s'inventer de nouvelles règles pour créer une nouvelle réalité politique. Et c'est ce qui se passe au plateau : des comédiens essaient de devenir une troupe théâtrale. Ca titube, et c'est sans doute cela qui est beau. Refuser l'éclat individuel d'un passage parfaitement maîtrisé, lui préférant l'énergie fulgurante mais aléatoire du collectif. Le public ne verra pas de grand comédien, mais une belle équipe.

        Car porter à la scène cette révolution, c'est la penser comme un jeu. Nous irons plus loin, nous la penserons comme un match. Parce que le terrain de sport est peut-être le dernier endroit où la patrie reste prégnante, où le collectif prend encore le pas sur l'individu, nous tenterons de retrouver l'ambiance des stades dans notre salle de théâtre – peut-être l'ambiance qui fut celle de la Révolution française. « D'avantage de bon sport ! » disait Bertolt Brecht. Pourquoi les spectateurs ne sont-ils pas aussi vivants que les supporters ? Et si le théâtre devenait un stade où, balle au centre, le pouvoir est l'enjeu ? Pour ce match, deux équipes : les républicains et les monarchistes. Leurs leaders portent le même nom : ils sont Marquis et Vicomte « Gauvain de Lantenac ». La demeure familiale, le terrain de jeu de leur enfance, devient champ de bataille. Que faire face à son ancien camarade lorsque le jeu devient réalité ? Car ce jeu n'est pas un jeu de hasard, c'est un jeu de tactique et de choix où le monde et la famille sont à réinventer.

À VOS MARQUES. PRÊTS ? FEU : TUEZ !

Soizic de la Chapelle

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